Une vieille femme possédait deux pots, chacun suspendus au bout d'un morceau de bois épousant la forme de ses maigres épaules, qu'elle utilisait chaque jour pour aller puiser de l'eau à la rivière. La vieille dame semblait ne pas s’en rendre compte, malgré le déséquilibre que ces fuites occasionnaient, et semblait satisfaite de ses deux pots. L'un était en parfait état et rapportait toujours une pleine ration d'eau. L'autre était fêlé et, à la fin de la longue marche du ruisseau vers la maison, n'était qu'à moitié rempli d'eau. Le pot intact se montrait très fier de ne jamais gâcher la moindre goutte qu'il transportait. Le pot fêlé, lui, se tourmentait. Ses imperfections lui faisaient honte. Progressivement, il se laissait envahir par la tristesse, rongé par la culpabilité, désolé de n’accomplir que la moitié du travail pour lequel il avait été conçu.
Un jour, après deux ans de service, il profita d’un moment où la vieille dame le plongeait dans les flots pour lui dire : - Pardonne moi, je suis une erreur. Je n’aurais jamais dû voir le jour. Abandonne-moi ici. La vieille dame s’étonna. - Pourquoi me dis-tu cela ? T’ai-je maltraité sans m’en rendre compte ? - Oh non, c’est moi qui te trahis. Malgré mes efforts, je perds la moitié de l’eau que tu me confies. Noie-moi ici, cela vaudra mieux.
La vieille dame sourit, hissa son fardeau sur ses épaules, et prit le chemin du retour. - N’as-tu jamais remarqué la splendeur du chemin ? J'ai constaté ta fêlure il y a fort longtemps, et chaque année, je sème des graines de ce côté du chemin. Grâce à l’eau que tu leur donnes, les graines deviennent des fleurs gracieuses et hautes, que caresse la brise. Depuis toutes ces années, je peux cueillir de superbes fleurs pour décorer et parfumer ma maison. Sans toi et tes fêlures, je ne verrais que mes vieux pieds sur le sol poussiéreux, ma maison resterait triste, je ne profiterai pas de toutes ces beautés !"
Nous sommes tous des petits pots fêlés, avec nos blessures, nos imperfections... Il nous appartient de transmuter ces blessures en forces, à l'image d'un alchimiste qui oeuvre à transformer le plomb en or, mais aussi de modifier notre regard sur les autres, sans jugement, et de prendre conscience que chacun de nous est précieux et unique !
Au Japon, le Kintsugi est un art ancestral permettant de réparer les objets en céramique cassés avec de l'or. Cet art prend en compte le passé de l'objet, son histoire, et les éventuels accidents qui lui sont arrivés. Au-delà d'un art, il peut s'agir d'une art-thérapie qui vous accompagne dans votre démarche de guérison. ll démontre à tous ceux qui se sentent fragilisés qu'au-delà des aléas de la vie, il est toujours possible d'en ressortir meilleur, même si l'on est différent.
Article rédigé par Fanny Lacroix, naturopathe et fondatrice du site
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